Les Portes de la Perception

"Si les portes de la perception étaient nettoyées, toute chose apparaîtrait à l'homme telle qu'elle est, infinie" ("If the doors of perception were cleaned, every thing would appear to man as it is, infinite). - [William Blake]

Les Portes de la Perception (The Doors of Perception) est l'analyse descriptive d'une expérience à laquelle s'est prêté Aldous Huxley (Le Meilleur des mondes) par l’ingestion de mescaline, principe actif du peyotl, plante de la famille des cactus, utilisé par les tribus primitives d'Indiens du Mexique ou du Sud-Ouest américain pour se rapprocher des dieux, ainsi que des effets liés à cette drogue.
Huxley examine alors avec précision les divers phénomènes psychologiques induits par l'usage de psychotropes (dont la mescaline), ainsi que le fonctionnement de la perception en générale. D'après lui, la conscience humaine agit comme un "filtre" qui ne laisse passer que les informations qu'elle juge importante. L'ingestion de mescaline a donc pour effet d'éliminer partiellement cette fonction "filtre", ce qui accroît l'intensité de la perception et amène les "visions colorées" décrites par l'auteur.
La suite de l'essai est centrée sur l'explication des phénomènes religieux et méditatifs en les mettant en parallèle avec les mécanismes psychiques humains.

Un essai intéressant et instructif à mettre en parallèle avec Les paradis artificiels de Baudelaire et de Nerval, ainsi que les écrits de William Blake, que l'auteur reprend à son compte dans ce livre.

(10/18, Domaine Etranger, 320 p., 7,80 € )

"Dans la vie, j'ai eu le choix entre l'amour, la drogue et la mort. J'ai choisi les deux premières et c'est la troisième qui m'a choisi..." [Jim Morrison]

Merci Nathan pour cette très belle citation de Jim Morrison (bien que la mort nous choisisse tous un jour ou l'autre).
Leader charismatique du groupe de rock'n'roll The Doors dans les années 60-70, Morrison est aussi, et cette facette du personnage est moins connue, poète -il commence à écrire dès l'adolescence, isolé dans une chambre au sous-sol, griffonnant des poèmes aussi sombres que révoltés ("j'aimais le pouvoir dissimulé dans le langage") sur des carnets qu'il noircira aussi de dessins, de notes et de remarques, d'impressions sur l'image et la mise en scène (l'adolescent se sent aussi attiré par le cinéma - "Je crois que dans l'art, et surtout dans le cinéma, les gens cherche une confirmation de leur propre existence. Parfois, les choses paraissent plus réelles pour avoir été filmées, et vous pouvez créer un semblant de vie sur l'écran") qui donneront Seigneurs : note à propos de la vision. Plus tard, avec l'accord de Jim, Pamela Courson (sa petite amie) classe ses écrits et contribue à l'élaboration du recueil Les nouvelles créatures, n'hésitant pas à sabrer certaines vulgarités. Le dernier recueil de Jim Morrison publié de son vivant est An American Prayer (Une prière américaine), que Jim enregistre lors d'une session de lecture de ses poèmes et que les Doors survivants (Jim ayant décédé en 1971 d'un arrêt cardiaque dans la baignoire d'un hôtel parisien) décident de sortir posthume en 1978, en greffant une musique additionnelle à la voix du poète chanteur. Ses thèmes de prédilection : l'oppression, la passion de vivre, la fascination pour la mort...

Je voudrais reproduire ici le poème "Severed Garden" de Jim Morrison, extrait d'An American Prayer (poème d'ailleurs apprécié de notre administrateur), car il reflète bien le malaise et la fascination pour la mort du poète chamane.

Choix très pertinent que cette chanson, cher ami, devenue un classique des Doors (je me permettrai d'ajouter que le nom du groupe est tiré des Portes de la Perception citées plus haut), qui clôt l'album L.A Woman dans une atmosphère orageuse.

Je vous renvois donc à cette très belle vidéo concernant l'album de poésie saisissant d'émotion An American Prayer, cas presque unique dans l'histoire du rock'n'roll, où le magnétisme, le charisme de Morrison agissent au-delà de la mort. Un rêve passe...

http://fr.youtube.com/watch?v=qTCCGNN6CIA

Une remarque me vient alors à l'esprit, bien qu'elle ne soit sûrement pas généralisable à tous : ce sont généralement lorsque ces écrivains et poètes sont au bord de l'implosion qu'ils produisent leurs meilleurs textes. Et les exemples sont nombreux...

Sachez, mon cher Guillaume, que tout ce que vous insinuez sur mon compte ne m'atteint nullement...Petite pute !

Bien, suite à ces subtiles plaisanteries, je souhaiterais ajouter qu'Aldous Huxley composa une suite brillante aux Portes de la Perception. De même, celle-ci expose une réflexion sur les effets des psychotropes, ainsi que les conséquences d'une telle expérience sur la vie spirituelle. Elle est cependant beaucoup plus synthétique que le précédent ouvrage, l'écrivain revenant ici à l'essence même de ses expériences, avec un regard neuf sur le mysticisme et la folie.

Le Ciel et l'Enfer (119 pages) - Editions du Rocher, Le Portique

Tu me ferais un prix ?

Bien, revenons à présent au sujet premier, à savoir les Portes de la Perception.
J'ajouterai donc que leur auteur, Aldous Huxley, fut un réel partisan de l'utilité des drogues sur la perception humaine, allant jusqu'à demander par écrit à sa femme, sur son lit de mort, de lui injecter une dose de LSD. Cette drogue, procurant des hallucinations psychédéliques visuelles, mais aussi auditives, est en effet très semblable à la mescaline.
Penchons-nous maintenant sur l'histoire du peyotl, qui permet de mieux comprendre les écrits d'Aldous Huxley :
Le peyotl - Echinocactus Williamsii - est un petit cactus grisâtre dépourvu d'épines, dont est tirée la mescaline. La consommation du peyotl, principalement par les tribus indiennes d'Amérique du Nord, est associée à des pratiques divinatoires, thérapeutiques ou religieuses. Ses effets se manifestent une heure environ après ingestion. Atteignant un maximum en deux à quatre heures, ils diminuent ensuite progressivement. Comme la mescaline pure, le peyotl provoque de riches hallucinations visuelles. Durant les rituels indiens, l'homme est supposé communiquer ainsi avec les dieux.
Chez les indiens Huichols de la Sierra Madre, située à plusieurs centaines de kilomètres des zones où pousse le cactus, la récolte donne lieu à un pèlerinage annuel, à la fin de la saison des pluies : la chasse au peyotl. Les têtes de peyotl récoltées sont découpées en tranches et mises à sécher. Les plants les plus âgés, très riches en mescaline, sont particulièrement vénérés. Ils seront consommés à l'occasion des cérémonies majeures de la vie tribale, pour invoquer la pluie, supplier une guérison, désigner les dirigeants, etc. Considéré comme divin, le peyotl est en effet lié aux éléments essentiels de la mythologie indienne. Toutefois, sa récolte extensive en fait une espèce menacée d'extinction.

http://www.cannaweed.com/guides/223-peyotl.html

Stop. Je n'entamerai ici aucune description des cérémonies religieuses indiennes et du chamanisme, car ceci ne ferait qu'alourdir cet article.

Pour un ami, hein ? ... Fort bien, fort bien !
Tu fais ce que tu veux de ta vie, J-B : ta sexualité ne me concerne pas.
Je crains toutefois que les Portes de la Perception ne soient le sujet approprié ; peut-être tes problèmes d'addiction aux drogues pourraient-ils y être abordés, en revanche.
Du reste, pourquoi ne pas ouvrir une rubrique sexo sur ce forum - avec l'accord de notre administrateur, bien évidemment... ^^

Nullement ! Des mecs comme toi, on en trouve à chaque coin de rue, tu sais ; alors, un de plus, un de moins... ^^

Comme promis, j'aborde désormais le rôle du chaman au sein des tribus indiennes primitives :

Le chaman, donc, est prêtre, magicien, médecin et mystique. Capable de modifier le fonctionnement de son système nerveux central, il agit sur son activité cérébrale consciente. Selon un rituel précis, le chaman peut ainsi accéder à une réalité différente, grâce à une modification de sa conscience souvent amplifiée par des substances hallucinogènes. Lors d'une transe provoquée par les chants, la musique ou la danse, le chaman projette son esprit hors de son corps dans un but de voyance et de guérison, recherchant dans ces limbes l'âme des jeunes défunts. Au terme d'une lutte acharnée, épuisante et dangereuse, contre l'esprit qui est supposé s'en être emparé, il soigne la blessure par sa seule force mentale. Pour visualiser le mal, le chaman doit jeûner, se mutiler ou absorber des plantes sacrées. On dit qu'il réussit parfois à ramener cette âme dans le corps sans vie, soudain éveillé par magie.

http://fr.youtube.com/watch?v=SJxfDwMhPGE

Autre essai de Huxley, à rapprocher des deux autres cités plus haut, à savoir Les Portes de la Perception et Le Ciel et l'Enfer: Dieu et moi.
Recueil de textes brefs et incisifs où l'auteur examine la nature des pratiques spirituelles, explorant les fondements du bien et du mal, les champs du comportement religieux et de l'expérience mystique, y fait également le récit de certains instants, de certaines expériences sur la perception du réel en s'appuyant sur les textes majeurs de diverses traditions ; s'interroge sur les diverses dimensions de la vie spirituelle et ses possibles prolongements politiques, face à un univers dont il faut sans cesse repenser le sens, en termes non seulement religieux mais aussi politiques.