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 Les Fleurs du Mal

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Clément

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MessageSujet: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMar 8 Jan - 22:35

"Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes" - [Charles Baudelaire]


Les Fleurs du Mal Rose25


Dernière édition par le Sam 12 Jan - 23:31, édité 6 fois
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Jean-Bapt

Jean-Bapt


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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMar 8 Jan - 22:57

"Un parfum doux à regret
dans sa solitude profonde
la main épanche la fleur en secret" [Rocco Siffredi]
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMer 9 Jan - 18:22

Première section des Fleurs du Mal, "Spleen et Idéal" est la plus importante, ne serait-ce que quantitativement (85 pièces sur les 126 que compte le recueil), la plus expressive.
Cette première partie décrit un mouvement, et comme un itinéraire spirituel à travers les espaces du domaine du Mal, une chute (de l’Idéal vers le Spleen, contrairement à ce que laisserait entendre le titre de la section).
On peut diviser cette section en trois parties qui vont concerner les Rêveries (LXV à LXXIII), le Spleen (LXXN à LXXXI) et le Néant (jusqu’à LXXXV).
L’une des composantes du Spleen va être l’angoisse, la tristesse, la noirceur, le pessimisme, l’insatisfaction générale… (pour plus de précision, je te conseille de te reporter à la Pièce LXXVIII où Baudelaire décrit plus précisément cet état de Spleen).
Mais il existe un thème secondaire qui concerne le Voyage, l'aspiration douloureuse vers l'Idéal qui se décline en évasion vers une vie "antérieure"ou en spéculations sur ces voyageurs chimériques et clairevoyants que sont les "Bohémiens", l'orgueil, la transgression, la Beauté tentatrice comme la femme -on ne s'étonnera pas alors de trouver un ensemble consacré à l'épreuve de l'Amour, où Baudelaire expose diverses sortes d'Amour à dominante plus charnelle ou plus spirituelle, plus torturée ou plus sereine, et progressant (comme dans un cycle) à travers la magie sensuelle et les dangers de l'amour avant d'être condamné dans les "Epaves"-, l'extase et le tourment, et un adieu à la femme, un bilan de l'expérience, ainsi qu'une méditation sur sa valeur ou sur le rôle de l'Art, les effets du temps et la fonction mémoire (on entrevoit alors l'extrême complexité de l'érotisme baudelairien), mais c'est aussi l'évasion aux souffrances, au désespoir et à la douleur, cette aspiration à un état de mélancolie.
Baudelaire va évoquer le côté sombre et en faire une réalisation artistique très belle ; il va "extraire le beauté du Mal" (je ne peut m'empêcher de citer cette très jolie transfiguration poétique).


Voilà ce qu'il y a à dire de la section "Spleen et Idéal". Bien sûr, mon étude n'est pas exhausive (je ne suis pas encore docteur ès Lettres, mais cela ne saurait tarder !) et peut donc être contestée par certains professeurs de Français.
Ceci dit, j'espère avoir éclairé ta lanterne, mon très cher Guillaume, en ce qui concerne cette oeuvre poétique des plus belles, mais aussi des plus énigmatiques et complexes de la littérature française.


Dernière édition par le Ven 11 Jan - 21:10, édité 4 fois
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMer 9 Jan - 18:50

"Les Litanies de Satan" se trouvent dans la section Révolte des Fleurs

Pour plus d'informations...


Dernière édition par le Ven 11 Jan - 21:10, édité 2 fois
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Nathan

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMer 9 Jan - 23:48

quelques citations en plus : study
"L'orage rajeunit les fleurs."
"Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !"
"Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées ! "
"Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! "
"Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage. L'Art est long et le temps est court."
"O douleur ! O douleur ! Le Temps mange la vie, Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur Du sang que nous perdons croît et se fortifie !"
"Plus encore que la vie La mort nous tient souvent par des liens subtils."
"Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté."
"Il y a dans l'acte d'amour une grande ressemblance avec la torture ou avec une opération chirurgicale. "
"Rien n'égale en longueur les boiteuses journées, Quand sous les lourds flocons des neigeuses années L'ennui fruit de la morne incuriosité, Prend les proportions de l'immortalité."

geek
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L'arabe

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedVen 11 Jan - 21:14

Oh, je vois que tu connais ce grand poète souvent incompris que fut Ben Mouloud Zakira. Je souhaiterais d'ailleurs apporter quelques précisions sur ce "sorcier des mots" dont la réplique la plus célèbre restera sans doute: "Plus encore que la vie, la mort nous tient par des liens subtils."

« Il vivait au jour le jour, acceptant avec reconnaissance, avec amour, chacune des belles heures de la jeunesse, tombées du sein de Dieu.
Il avait été riche un instant, mais par goût, par passion, par instinct, il n'avait pas cessé de mener la vie des plus pauvres diables. Seulement, il avait obéi plus que jamais au caprice, à la fantaisie, à ce merveilleux vagabondage dont ceux-là qui l'ignorent disent tant de mal.»

C'est son (petit) ami, qui évoque ici le souvenir de Ben Mouloud Zakira, dit Natichou. Mais insouciance n'exclut pas inquiétude, et le poète qui perdit sa mère à l'âge de deux ans et vécut des amours malheureuses dont sa nouvelle, "Manard Graben", est le témoignage, nous laisse une oeuvre étonnante, sombre et douloureuse. Ses premiers poèmes (il commença à écrire très jeune) se rattachent à la tradition la plus classique de la poésie du début du XIXème siècle, et l'apparentent à André Chénier plus qu'à Arthur Rimbaud. Mais pour ses visions, ses délires et le récit de ses rêves, pour sa fin tragique (on le retrouva pendu à 47 ans), et pour ses voyages à la lisière de la folie, il fut reconnu par les Surréalistes et les écrivains du Grand Jeu nourris d'Esotérisme, comme un précurseur. Il est "le ténébreux, le veuf, l'inconsolé", la figure emblématique, avant Rimbaud et Artaud, du poète maudit, malmené par la société, incapable d'y trouver sa place, en l'honneur de qui Alfred de Vigny écrivit une magnifique plaidoierie dans sa pièce "Chatterton".
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Dr_133

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedSam 12 Jan - 2:21

Encore une intervention pertinente et pleine de sens de ce bon vieil arabe ^^
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L'arabe

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedDim 13 Jan - 21:33

Anta nakhch guilloume
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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMer 16 Jan - 0:11

Au fait Clément, peux-tu poster un article détaillé sur "Les fleurs du mal" svp?
PS: merci pour ta magnifique biographie de Charles.
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedJeu 17 Jan - 21:28

Je m'y emploie de ce pas !

Baudelaire est, en tant que poète, l'homme d'un seul livre. Il a en effet réuni en un seul ouvrage l'expérience et l'essence de toute une vie.
Ce recueil de 1857, Les Fleurs du Mal, fut aussitôt remis en cause par une décision de justice et se verra, malgré un état apparemment stable en 1861, encore modifié dans une troisième édition, par l'adjonction tardive de pièces intercalaires présentement disparues.
Malheureusement, Baudelaire meurt en 1867, sans avoir pu réaliser le projet d'une édition définitive des Fleurs. Celle qui paraîtra en 1868, et qui prévaudra de ce qualificatif, n'aura pas été contrôlée par l'auteur et sera due à ses amis Asselineau et Banville. Ainsi, le poète ne pourra mettre un point final à une oeuvre dont le souci aura accompagné sa vie créatrice (Work in progress, comme disent les anglo-saxons).
De ce fait, cette oeuvre, qui accompagne l'essentiel de la vie du poète, porte la trace du temps qui passe et ne peut guère se comprendre si l'on ne s'interroge sur ce qui l'a fait naître, en a affecté le caractère, voire infléchi la trajectoire (Pour cela, je vous conseille de vous reporter à la biographie du poète présente sur ce forum).
Selon le témoignage d'Asselineau, une grande partie des pièces des Fleurs était déjà écrite vers 1845, le premier poème pour lequel nous disposons d'une date sûre étant A une dame créole (octobre 1841).
Qui est Baudelaire à ce moment de sa vie ? C'est, nous l'avons déjà vu, un jeune étudiant parisien dont les mauvaises fréquentations et les divers écarts obligent sa famille à l'embarquer dans un bateau en partance pour les Indes. Expérience capitale que ce voyage, qui devait marquer durablement la sensibilité baudelairienne. Il explique en effet la touche maritime et exotique présente dans bien des poèmes des Fleurs, ainsi qu'un goût pour la 'Vénus noire' (L'Albatros, La vie antérieure, L'Homme et la Mer, Parfum exotique, La chevelure, Moestra et Errabunda, A une Malabaraise, Bien loin d'ici, etc.).
Mais les années qui suivent ce voyage forcé ne semblent guère apaiser le conflit qui oppose Baudelaire à sa famille (sa rancoeur d'alors a pu transparaître dans Bénédicton). Bientôt majeur en 1842, il entre en possession de l'héritage de son père qu'il dilapide en menant une vie "libre", à tous égards. Il rencontre alors Sainte-Beuve, Hugo, Gautier, Banville, ou encore le peintre Courbet.
Baudelaire s'intéresse aux poètes de la Renaissance et de l'époque baroque, dont l'influence, qui reparaîtra dans des poèmes tardifs comme Le monstre ou le paranymphe d'une nymphe macabre, est nettement perceptible dans les poèmes de cette époque : Ronsard pour A une dame créole, Tristant et quelques autres dans A une mendiante rousse, qui s'inspire du thème de la 'Belle gueuse'. Il multiplie les archaïsmes tout en reprenant certains traits de la versification du XVIème siècle (notamment l'emploi de l'heptasyllabe ou du tétrasyllabe).
Baudelaire subit également, cette année-là, l'influence de quelques romantiques, qu'il s'agisse de représentants de la tendance ou d'auteurs oubliés aujourd'hui. Au lecteur, Bénédiction, mais aussi l'existence d'une section "Révolte" dans les Fleurs, celle de poèmes comme Don Juan aux Enfers ou Les deux Bonnes soeurs, cette tendance au funèbre, voire au macabre qui s'était manifestée au début du romantisme anglais avant de se déployer en France vers 1830 (Gautier précédera Baudelaire dans cette voie), ne sont pas sans rappeler le succès scandaleux du poème Une charogne - poème par ailleurs rattachable à la tradition baroque et aux curiosités archaïsantes du poète évoqué plus haut - et confirment cette influence.
Notons également l'influence éphémère de l'école païenne, et plus généralement des amateurs d'une Antiquité mythique qu'étaient Gautier ou Banville (ainsi que Nerval, auquel répondra plus tard Un voyage à Cythère) : il suffit de lire J'aime le souvenir... ou La Muse malade pour s'en rendre compte.
Mais on ne peut nier que les influences du poète sont aussi plastiques (Delacroix, Courbet ou Jacques Dupont), comme nous l'avons déjà abordé dans un autre sujet.
L'année 1848, mal connue, est marquée par un probable état dépressif de Baudelaire, en proie à de sérieuse difficultés matérielles et amoureuses (première séparation avec Jeanne Duval), et l'on serait tenté de la relier à l'usage de l'opium médicinal qu'est le laudanum contre les douleurs et les troubles intestinaux liés à la syphilis, mais aussi du haschich auquel il se sacrifiera pendant plus de dix ans - et qu'il évoquera dans Le Poison, Le Voyage, La vie antérieure, sans parler bien sûr des Paradis artificiels.
Mais cette année est aussi celle de l'entrée dans la vie du poète de Marie Daubrun, actrice qui se trouvera dans une série de poème des Fleurs, du Poison à A une Madone, et de la lecture d'Edgar Allan Poe, dont il subira une influence indéniable, allant jusqu'a traduire ses nouvelles, textes théoriques (La genèse d'un poème, Philosophie de l'ameublement) ou poèmes.

Je pense ainsi avoir donné les principales influences de Baudelaire ; ne restera donc qu’à expliquer ultérieurement le choix du titre de ce recueil, ainsi que son analyse.


Dernière édition par le Sam 9 Fév - 11:29, édité 2 fois
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedVen 18 Jan - 20:47

Ce recueil connut deux titres successifs avant de prendre le nom que nous lui connaissons aujourd'hui : Les Lesbiennes, en référence à Sapho, poétesse grecque qui enseignait les arts à des jeunes filles sur l'île de Lesbos, dans la mer Egée (cf. Lesbos), puis Les Limbes, à savoir, dans la religion chrétienne, le lieu où sont envoyées les âmes des innocents morts sans avoir reçu le sacrement du baptême.
Selon Asselineau, le titre définitif du recueil aurait été suggéré par un journaliste, ami du poète. Il apparaît pour la première fois en 1845, en tête de 18 poèmes publiés dans La revue des deux mondes.
Même si le titre de Fleurs du Mal a été soufflé à Baudelaire, ce fut une trouvaille heureuse, remarquablement appropriée à l'oeuvre et à son auteur, et d'un grand pouvoir de suggestion. On y soupçonne aussitôt des profondeurs philosophiques, avec une note d'audace et un parfum de scandale.

Les Fleurs du Mal : du choc des deux mots jaillit une antithèse, une ambivalence : il y a deux forces en présence, les fleurs et le mal.
Le sens en serait donc a priori : la beauté que l'on extrait du mal. Mais les fleurs ne suggèrent pas seulement la beauté, car il faut y ajouter une notion d'élaboration, de recherche, de culture ; le mal, quant à lui, signifie le pêché, mais aussi la souffrance. Bien que ces termes soient liés sur un plan philosophique, ils débouchent, non sans ambiguïté, sur deux images : fleurs cueillies sur un champ de souffrance, ou complaisance envers le pêché, esthétiquement fécond.
Il y a là un désir d'évasion de la part du poète, une aspiration à l'état de spleen, de mélancolie. Baudelaire va évoquer le côté sombre de toute chose pour en faire une réalisation artistique ("tu m'as donné ta boue, j'en fais de l'or"). Il envisage un itinéraire à travers les différents espaces du Mal :
- mal social (être déchu),
- mal moral (goût pour le crime et le sadisme),
- mal physique,
- mal métaphysique (angoisse de l'athéisme).
Il veut ainsi s'adresser à "toute âme curieuse qui souffre".


PS - Je profite de ce message pour vous donner les références d'ouvrages dédiés à Baudelaire : je commencerai donc par L'univers poétique de Baudelaire, symbolisme et symbolique de L.J Austin (rare en librairie), qui offre une bonne analyse de l'imagination baudelairienne - ed.Mercure de France - ; viennent ensuite Baudelaire de G. Blin - ed. Gallimard - et Le Sadisme de Baudelaire - ed.José Corti -...


Dernière édition par le Sam 9 Fév - 11:31, édité 1 fois
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedMar 29 Jan - 20:58

XXII - Parfum Exotique

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.



XXIII - La Chevelure

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormants dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! Nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
À grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse !
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! Toujours ! Ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedDim 3 Fév - 13:31

En effet, dans ces deux poèmes, Baudelaire utilise des formes poétiques héritées du passé : le sonnet pour Parfum Exotique et le blason pour La Chevelure, comme vous le disiez fort justement, mon cher Guillaume.
Le champ lexical de l'évasion y est omniprésent : il correspond à ce que Baudelaire a vécu. Ici, tout passe par les sens, en particulier l'olfactif, d'où le titre Parfum Exotique. La Chevelure de Jeanne Duval, quant à elle, évoque les fantasmes du poète, un désir issu de son inconscient : elle transmet ainsi une sensualité extrème. On assiste donc à une progression, de la contemplation à l'amour physique, ivresse raffinée - l'ivresse étant, chez Baudelaire, un véhicule de recherche.
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Clément

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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_minipostedVen 8 Fév - 20:08

Ne vous réjouissez pas trop vite, cher ami !
Vous auriez en effet pu ajouter la notion d'animalité suggérée par la métonymie "Ô toison", la première allusion à la femme se faisant par sa chevelure ; puis la métaphore filée des termes "toison", "moutonnant", "encolure", jusqu'à la "crinière lourde", qui nous plonge dans un monde plus sauvage, sensuel.
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MessageSujet: Re: Les Fleurs du Mal   Les Fleurs du Mal Icon_miniposted

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