Aloysius Bertrand

Il est rare d'assister à la naissance d'un genre littéraire ; plus rare encore de pouvoir la rattacher au nom d'un écrivain particulier. Cette conjonction s'est pourtant opérée dans le cas d'Aloysius Bertrand, inventeur incontestable du poème en prose français, qui inspira Baudelaire pour ses "essais de poésie lyrique en prose dans le genre de Gaspard de la Nuit" [oeuvre de Bertrand parue en 1842] qui allaient devenir le Spleen de Paris.
Que l'image du "poète maudit" s'applique impeccablement à la destinée d'Aloysius Bertrand ! Rien n'y manque, en effet : ni l'étroit logis provincial où viennent le rejoindre une mère et une soeur qu'il se désole de ne pouvoir faire vivre décemment, ni les emprunts d'argent à un camarade plus fortuné, ni les travaux littéraires obscurs, ni les vaines tentatives pour faire jouer un drame à la Gaîté ou à la Porte Saint-Martin de Paris, ni le refus de situations tenues pour astreignantes et serviles, comme celle de precepteur ou de secrétaire ; ni, surtout, la tragédie de l'hôpital, qui permet à Bertrand, phtisique, de faire croire à son ami David d'Angers qu'il se repose à la campagne, alors que, depuis quatre mois, il est à l'hopital de la Pitié, se cachant sous ses draps pour ne pas être reconnu de l'homme venu par hasard visiter un autre malade. Après de brèves rémissions, d'un hôpital à un autre, il meurt en 1841, abandonné de tous sauf de sa mère, de sa soeur et du fidel David.

Je suis conscient que cette biographie d'Aloysius Bertrand est assez floue, mais je ne dispose que de très peu de renseignement à propos de ce poète discret, honteux de sa pauvreté, ce qui d'ailleurs l'amena à vivre souvent en dehors des cercles littéraires parisiens de l'époque, et dont au final nous ne savons que peu de choses.