William Blake

William Blake n'a laissé ni souvenirs, ni journal. Pourtant le parcours de sa vie peut être entièrement reconstitué.
Son père est bonnetier, relativement prospère et large d'esprit. Comme William aime dessiner, ses parents l'envoient dans une école de dessin. Il est un enfant imaginatif et distrait ; à ses yeux la ville de Londres (dans laquelle il vit le jour en 1757) est "la plus belle oeuvre de la Création".
A cette école de dessin succèdent plusieurs périodes d'apprentissage. Un graveur, Basire, l'envoie à l'abbaye de Westminster, dans les vieilles églises de Londres et des environs, pour y copier des sculptures et y relever des documents. Il marche des heures et des heures dans les rues de sa ville, admire les dessins et les gravures exposées. Il décide de gagner sa vie comme graveur et continue de vivre chez son père.
A l'âge de 25 ans, il rencontre et épouse Catherine, qui ne sait ni lire, ni écrire. Deux ans plus tard, le père de Blake meurt ; William et Catherine s'établissent dans la maison voisine de la demeure familliale. Robert, le frère cadet de Blake, vient vivre avec eux et devient élève graveur.
Robert, frère et compagnon bien aimé, tombe malade et meurt. William et sa femme déménagent encore, et son chemin croise celui de collectionneurs qui lui achètent presque toutes ses gravures. Son mode de vie lui laisse une entière liberté dans son travail. Les Blake finnisent par quitter Londres pendant trois ans, puis reviendront y vivre durant dix-sept ans -dix-sept années de pauvreté et d'isolement. Puis, en 1821, dernier déménagement, tout près de la Tamise. Blake a soixante-quatre ans et mourra six ans plus tard à soixante-dix ans. Il sera enterré près de ses parents et de son frère Robert.
Cette vie simple, en apparence, aura donné lieu à la plus abondante des littératures : William Blake le visionaire, le graveur, le poète, le révolutionnaire...

Bien, intéressons-nous à présent à l'oeuvre de ce poète, peintre et graveur anglais, en commençant par son premier volume de vers, les Chants de l'Innocence et de l'Expérience. Ce célèbre recueil parut initialement en deux tomes, avant d'être uni par Blake lui-même : les volumes, se répondant par leurs thèmes et leurs figures, formaient en effet un ouvrage indissociable.
Ainsi, les Chants de l'Innocence sont à opposer aux Chants de l'Expérience, une différence de tonalité notable existant entre les recueils. De fait, le premier, contemporain de la Révolution Française, affiche un lyrisme intense, doux et aérien, dans l'enthousiame d'un idéal révolutionnaire ; il évoque l'innocence, l'enfance, l'Agneau christique, tandis que le second suggère avec des accents plus amers l'expérience, la maturité, le Tigre, les accès de violence de la Révolution ayant brisé son idéal.
William Blake proclame aussi avec véhémence la supériorité de l'imagination poétique et le pouvoir de l'énergie créatrice, seule susceptible de conquérir le divin. Mais l'oeuvre étrange du poète ne saurait se dévoiler grâce à une clef si simple. Empreint d'un mysticisme obscur, Blake écrit pour un fantôme. Habité par un double énigmatique, il dessine, peint et compose sa poésie afin de dialoguer avec son frère Robert, parti trop tôt.

Autre recueil célèbre, "Le Mariage du Ciel et de l'Enfer" est un texte mystique à résonances bibliques écrit pour contrer Swedenborg et dont Gide admirait la sublime équivoque. William Blake proclame l'unité humaine, attaque la prudence et le calcul au nom de l'épanouissement de l'être réconciliant désir, sagesse et raison. L'amour comme la haine étant nécessaires à la vie, c'est le choc des contraires qui provoque le surgissement de la force créatrice et la progression de l'être individuel. Il oppose ainsi la raison à la vision intuitive, à laquelle va sa préférence.

Les écrits de Blake , comme nous le disions précédemment inspirèrent de nombreux artistes, peintres, écrivains, chanteurs, comme Huxley ou Morrison, mais aussi des artistes plus sombres et méconnus comme ce groupe de rock'n'roll norvégien Ulver, qui composa l'album "Themes For William Blake: Marriage of Heaven and Hell" , dont l'inspiration est aisément décelable.
Album le plus étrange que j'ai jamias entendu, toutes périodes confondues et de très loins le plus expérimental et le plus chaotique. On a donc affaire à la rencontre des guitares avec l’electronica varié et éthéré, puis très goth / cold wave années 80, et enfin quasi-expérimentale – tout en leads poignants superbement harmonisés. Un côté guitaristique omniprésent absolument grandiose, participant énormément à la tristesse générale ; ces vestiges de rock sont assurément la grande force de cet album,ainsi que l’électronique de très bonne facture, avec moult moments forts émotionnellement.
Un album sublime et tragique du début à la fin.